Les modifications épigénétiques sont dynamiques et réversibles.
Cette instabilité est sous l’influence de l’environnement mais aussi du temps et du vieillissement. Néanmoins les mécanismes par lequel l’exposition environnementale dérégule l’épigénome ne sont pas complètement élucidés.
Alimentation
L’alimentation, par sa quantité et par sa qualité, est susceptible de modifier les molécules nécessaires au fonctionnement de la « machinerie » épigénétique. En effet l’alimentation fournit certains produits (en particulier les métabolites nécessaires à la synthèse des donneurs de groupements méthyles) nécessaires à la méthylation de l’ADN, par exemple le folate.
Chez l’homme des modifications épigénétiques liées à un déficit ou à un excès de nutriments pendant le développement embryonnaire, fœtal et/ou néonatal ont été identifiés. Une étude d’individus exposés pendant leur vie in utero à la famine hollandaise de 1945 (aujourd’hui âgés de 66 ans) a mis en évidence certaines variations épigénétiques par rapport à des individus témoins (Tobi, 2009).
Une autre étude épidémiologique suédoise a montré que le risque de développer des complications cardiovasculaires ou un diabète de type 2 est partiellement déterminé par l’alimentation des parents et grands-parents lors de leur préadolescence (Siebel, 2010).
Perturbateurs endocriniens
Les perturbateurs endocriniens de l’environnement sont des produits chimiques synthétiques qui ressemblent à des hormones naturelles et ils sont connus pour causer des perturbations épigénétiques. Ces perturbateurs endocriniens peuvent modifier le profil de méthylation de l’ADN ainsi que l’expression de certains gènes dont les gènes soumis à empreinte particulièrement sensibles à ces effets environnementaux de par leur fonctionnalité haploïde et leur reprogrammation épigénétique (Kang, 2011).
Le bisphénol A a fait l’objet de nombreux débats sur ces propriétés perturbatrices endocriniennes au cours du développement, période où la machinerie épigénétique est très active. En 2010, l’Ineris préconise de considérer les femmes enceintes et allaitantes, les fœtus, et les nouveau-nés et jeunes enfants comme des populations potentiellement sensibles vis-à-vis du BPA. En France l’interdiction de l’utilisation du bisphénol A dans les contenants alimentaires est effective depuis le 1er janvier 2013 pour les produits destinés aux enfants de moins de 3 ans.
Chez l’animal, les données montrent que l’exposition précoce à des doses physiologiques de BPA perturbe l’expression et la méthylation des gènes via des modifications épigénétiques chez l’embryon et un développement anormal du placenta murin (Susiarjo, 2013).
Chez le rat, le BPA altère la stéroïdogenèse ce qui peut conduire à un dysfonctionnement testiculaire (D’Cruz, 2012).
D’autres perturbateurs endocriniens présents dans une large gamme d’insecticides, fongicides et herbicides (trichlorfone, vinclozoline, atrazine respectivement) ont des effets connus sur le système reproductif femelle et mâle après exposition in utero. L’étude de leurs effets épigénétiques est limitée à certaines séquences cibles, choisies pour leur implication dans le développement de l’appareil génital.
Une étude récente des profils de méthylation établis sur le sperme d’individus sur 3 générations après exposition in utero à la vinclozoline reporte quelques anomalies de méthylation (Guerrero-Bosagna, 2010). Des effets anti-androgéniques sur la génération directement exposée au vinclozoline in utero ont été reportés, avec une altération des organes génitaux externes, mais pas d’effet sur la spermatogenèse (Matsuura, 2005).
En 2009, Bromer et al ont montré qu’une exposition in utero chez la souris à l’agent prooestrogénique : diéthylstilboestrol induit après une diminution de l’expression et une légère hyperméthylation du gène Hx10a, en association avec une expression accrue des DNMT (DNA methyltransferase) (Bromer, 2009). Cette hyperméthylation pourrait participer au développement de tumeurs épithéliales de l’utérus observées chez les souris femelles exposées.
Tabac
L’exposition au tabac affecte l’épigénome et cela peut augmenter le risque de maladies et de cancers. Dans une étude suédoise (Besingi, 2013), les chercheurs ont examiné la façon dont les gènes sont modifiés chez les fumeurs et ont identifié un grand nombre de gènes touchés par ces modifications liées au tabac, mais uniquement lorsque le tabac est fumé. Cela suggère des modifications épigénétiques probablement indépendantes des composés du tabac mais associées aux produits de la combustion du tabac.
En 2013 une étude sur la méthylation de sang de cordon de 1062 nouveau-nés (cohorte MoBa : The Norwegian Mother and Child Cohort Study) dont la mère a fumé pendant la grossesse a été effectué par l’équipe de Joubert et al. Les résultats ont mis en évidence une association entre les niveaux de cotinine maternelle et la méthylation de 473 844 sites CpG mesurés sur les échantillons sanguins (Joubert, 2013).