Présentation
Le cancer colorectal, troisième cancer le plus fréquent chez les hommes et second cancer le plus fréquent chez les femmes, représente près de 10 % de l’incidence annuelle mondiale du cancer1. Les taux d’incidence du cancer colorectal montrent un fort gradient positif avec un niveau de développement économique croissant2. Toutefois, le taux de survie net à 5 ans diminue lorsque le niveau des revenus est faible : il atteint 60 % dans les pays à revenu élevé mais tombe à 30 % ou moins dans les pays à faible revenu3.
Les facteurs de risque avérés pour le cancer colorectal comprennent la consommation de viandes transformées4, la consommation de boissons alcoolisées5, le tabagisme5 et le surpoids6, tandis que la consommation de fibres alimentaires et de produits laitiers, ainsi qu’un niveau d’activité physique élévé diminuent le risque7,8. De plus, certains sous-groupes de la population présentent un risque accru en raison d’une prédisposition génétique (par ex. le syndrome de Lynch), d’antécédents familiaux ou personnels de néoplasie colorectale, ou d’affections médicales (par ex. maladie inflammatoire de l’intestin) qui ont été associées au cancer colorectal.
Le cancer colorectal peut être classé en fonction de sa localisation dans le gros intestin, de ses caractéristiques histologiques et de ses caractéristiques moléculaires. Les adénomes avancés – en particulier ceux qui mesurent plus de 10 mm de diamètre – sont les lésions précurseurs les plus connues du cancer colorectal9. Le dépistage vise à réduire le risque de décès par cancer colorectal, grâce à une détection précoce et à une diminution du taux de complications associées à la détection du cancer à un stade avancé. Ce dépistage vise également à réduire l’incidence et la mortalité associée au cancer colorectal grâce à la détection et à l’ablation des lésions précancéreuses. Le dépistage du cancer colorectal est disponible dans de nombreux pays à revenu élevé et modérément élevé à l’échelle mondiale et est assuré par des programmes organisés ou par un dépistage opportuniste. Les taux de participation à ce type de dépistage sont très variables selon les pays et les cadres de vie10 mais sont généralement inférieurs à 40 % de la population ciblée. Le statut d’assuré et l’accès aux soins primaires sont les principaux déterminants de la participation. Les autres obstacles comprennent les coûts, les problèmes logistiques, le manque d’implication du prestataire des soins, les barrières linguistiques, les croyances culturelles et le manque de sensibilisation au dépistage du cancer colorectal11,12.
Il existe plusieurs méthodes de dépistage du cancer colorectal. Les tests basés sur les selles comprennent le test de détection de sang occulte fécal au gaïac et le test immunochimique fécal (TIF), plus sensible13. Les méthodes endoscopiques, qui utilisent des approches optiques pour examiner directement le rectum et le côlon, comprennent la sigmoïdoscopie et la coloscopie14. La coloscopie est utilisée à la fois comme outil de dépistage de première intention et pour le suivi des personnes ayant obtenu un résultat positif avec d’autres méthodes de dépistage. De plus, la colonographie par tomodensitométrie (CT), une méthode d’imagerie basée sur la technologie de numérisation par scanographie, a été développée comme technique de visualisation moins invasive pour le dépistage du cancer colorectal15. De nouvelles techniques sont apparues récemment mais n’ont pas été largement testées ; celles-ci sont basées sur l’examen visuel (par ex. endoscopie par capsule vidéo) ou l’analyse de biomarqueurs dans les selles (p. ex. test multicible d’ADN dans les selles), dans le sang (p. ex. ADN de septine 9 méthylée) ou dans l’haleine (p. ex. des composés organiques volatils et divers marqueurs de protéines, d’ARN et d’ADN).
Nous avons examiné les données publiées issues d’essais randomisés-contrôlés, d’études observationnelles et d’études de modélisation sur les tests basés sur les selles, les méthodes endoscopiques, et la colonographie CT, et avons évalué les résultats concernant les effets préventifs, les effets indésirables et la balance entre bénéfices et préjudices dans des populations d’hommes et de femmes à risque moyen (Les détails concernant les procédures de travail qui ont été utilisées pour réaliser la revue bibliographique et la liste des membres du Groupe de Travail du Handbook du Centre international de Recherche sur le Cancer [CIRC] figurent dans l’Annexe supplémentaire, disponible avec le texte intégral de cet article à NEJM.org.) [disponible ici en annexe].
Tableau 1. Evaluations du dépistage du cancer colorectal au moyen de tests basés sur les selles, de méthodes endoscopiques et de la colonographie par tomodensitométrie (CT)*
Technique de dépistage | Niveau des indications en faveur du dépistage du cancer colorectal | ||
Réduction de l’incidence | Réduction de la mortalité | Rapport bénéfice-préjudice | |
Tests basés sur les selles | |||
Dépistage tous les 2 ans avec test au gaïac sans réhydratation | Absence d’effet suggérée | Suffisantes | Suffisantes |
Dépistage tous les ans ou 2 ans avec test au gaïac de haute sensibilité (avec réhydratation) | Limitées | Suffisantes | Suffisantes |
Dépistage tous les 2 ans avec TIF | Limitées | Suffisantes | Suffisantes† |
Techniques endoscopiques | |||
Dépistage unique avec sigmoïdoscopie | Suffisantes | Suffisantes | Suffisantes |
Dépistage unique avec coloscopie | Suffisantes | Suffisantes | Suffisantes‡ |
Colonographie CT | |||
Dépistage unique avec colonographie CT | Limitées§ | Limitées§ | Insuffisantes |
* La constatation d’indications suffisantes ne s’applique qu’aux milieux où l’on présume que le dépistage, de même que le traitement et le suivi, peuvent être fournis avec une grande qualité. TIF désigne le test immunochimique fécal.
† Une variété de tests TIF qualitatifs et quantitatifs sont disponibles, avec une large gamme de sensibilité et de spécificité. La balance nette des bénéfices et des préjudices dépend du seuil de positivité.
‡ Une minorité des membres du Groupe de Travail du Handbook du Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) a estimé que les indications sont limitées en raison de la variabilité des estimations des effets, des risques associés à la coloscopie et des limites inhérentes à l’extrapolation des conclusions tirées des données concernant le dépistage par sigmoïdoscopie.
§ Les indications en faveur d’une réduction de l’incidence ou de la mortalité (une seule évaluation) concernant la colonographie CT ont été considérées comme limitées. Une minorité des membres du Groupe de travail du Handbook du CIRC a estimé que les indications étaient insuffisantes en raison du manque d’essais randomisés ou d’études observationnelles (y compris celles qui font l’objet d’un dépistage par tomodensitométrie) et du manque de données sur les risques.
Quand on ne disposait pas de données d’essais randomisés sur l’effet d’un test spécifique de dépistage sur la mortalité et l’incidence du cancer colorectal, ont été prises en considération les données issues d’un test de dépistage similaire pour lequel une réduction de la mortalité ou de l’incidence du cancer colorectal avait été démontrée (p. ex. le test au gaïac pour le TIF, ou la sigmoïdoscopie pour la coloscopie) ou des études comparant les performances des tests (p. ex. avec la coloscopie pour la colonographie CT). Les indications concernant les nouvelles techniques susmentionnées ne permettaient pas de procéder à une évaluation. Ici, nous résumons brièvement l’évaluation des données scientifiques telles qu’elles ont été examinées par le Groupe de travail du Handbook (tableau 1). Le rapport complet formera le volume 17 des Handbooks du CIRC sur la prévention du cancer. Il convient de noter que la majorité des études examinées ont été menées dans des milieux à revenu moyen ou élevé, où l’incidence du cancer colorectal est généralement élevée ; dans des populations asymptomatiques, à risque moyen (généralement âgées de 50 à 70 ans) ; et dans des conditions dans lesquelles le dépistage du cancer colorectal, y compris le suivi et le traitement ultérieurs, peut être effectué avec une grande qualité. L’extrapolation des conclusions à différents contextes doit tenir compte de ces spécificités et d’autres spécificités liées au contexte (telles que le niveau de développement du système de santé).