Handbooks Prévention des cancers - Dépistage du cancer colorectal - point de vue du Groupe de Travail du CIRC

Présentation

Le cancer colorectal, troisième cancer le plus fréquent chez les hommes et second cancer le plus fréquent chez les femmes, représente près de 10 % de l’incidence annuelle mondiale du cancer1. Les taux d’incidence du cancer colorectal montrent un fort gradient positif avec un niveau de développement économique croissant2. Toutefois, le taux de survie net à 5 ans diminue lorsque le niveau des revenus est faible : il atteint 60 % dans les pays à revenu élevé mais tombe à 30 % ou moins dans les pays à faible revenu3.

Les facteurs de risque avérés pour le cancer colorectal comprennent la consommation de viandes transformées4, la consommation de boissons alcoolisées5, le tabagisme5 et le surpoids6, tandis que la consommation de fibres alimentaires et de produits laitiers, ainsi qu’un niveau d’activité physique élévé diminuent le risque7,8. De plus, certains sous-groupes de la population présentent un risque accru en raison d’une prédisposition génétique (par ex. le syndrome de Lynch), d’antécédents familiaux ou personnels de néoplasie colorectale, ou d’affections médicales (par ex. maladie inflammatoire de l’intestin) qui ont été associées au cancer colorectal.

Le cancer colorectal peut être classé en fonction de sa localisation dans le gros intestin, de ses caractéristiques histologiques et de ses caractéristiques moléculaires. Les adénomes avancés – en particulier ceux qui mesurent plus de 10 mm de diamètre – sont les lésions précurseurs les plus connues du cancer colorectal9. Le dépistage vise à réduire le risque de décès par cancer colorectal, grâce à une détection précoce et à une diminution du taux de complications associées à la détection du cancer à un stade avancé. Ce dépistage vise également à réduire l’incidence et la mortalité associée au cancer colorectal grâce à la détection et à l’ablation des lésions précancéreuses. Le dépistage du cancer colorectal est disponible dans de nombreux pays à revenu élevé et modérément élevé à l’échelle mondiale et est assuré par des programmes organisés ou par un dépistage opportuniste. Les taux de participation à ce type de dépistage sont très variables selon les pays et les cadres de vie10 mais sont généralement inférieurs à 40 % de la population ciblée. Le statut d’assuré et l’accès aux soins primaires sont les principaux déterminants de la participation. Les autres obstacles comprennent les coûts, les problèmes logistiques, le manque d’implication du prestataire des soins, les barrières linguistiques, les croyances culturelles et le manque de sensibilisation au dépistage du cancer colorectal11,12.

Il existe plusieurs méthodes de dépistage du cancer colorectal. Les tests basés sur les selles comprennent le test de détection de sang occulte fécal au gaïac et le test immunochimique fécal (TIF), plus sensible13. Les méthodes endoscopiques, qui utilisent des approches optiques pour examiner directement le rectum et le côlon, comprennent la sigmoïdoscopie et la coloscopie14. La coloscopie est utilisée à la fois comme outil de dépistage de première intention et pour le suivi des personnes ayant obtenu un résultat positif avec d’autres méthodes de dépistage. De plus, la colonographie par tomodensitométrie (CT), une méthode d’imagerie basée sur la technologie de numérisation par scanographie, a été développée comme technique de visualisation moins invasive pour le dépistage du cancer colorectal15. De nouvelles techniques sont apparues récemment mais n’ont pas été largement testées ; celles-ci sont basées sur l’examen visuel (par ex. endoscopie par capsule vidéo) ou l’analyse de biomarqueurs dans les selles (p. ex. test multicible d’ADN dans les selles), dans le sang (p. ex. ADN de septine 9 méthylée) ou dans l’haleine (p. ex. des composés organiques volatils et divers marqueurs de protéines, d’ARN et d’ADN).

Nous avons examiné les données publiées issues d’essais randomisés-contrôlés, d’études observationnelles et d’études de modélisation sur les tests basés sur les selles, les méthodes endoscopiques, et la colonographie CT, et avons évalué les résultats concernant les effets préventifs, les effets indésirables et la balance entre bénéfices et préjudices dans des populations d’hommes et de femmes à risque moyen (Les détails concernant les procédures de travail qui ont été utilisées pour réaliser la revue bibliographique et la liste des membres du Groupe de Travail du Handbook du Centre international de Recherche sur le Cancer [CIRC] figurent dans l’Annexe supplémentaire, disponible avec le texte intégral de cet article à NEJM.org.) [disponible ici en annexe].

Tableau 1. Evaluations du dépistage du cancer colorectal au moyen de tests basés sur les selles, de méthodes endoscopiques et de la colonographie par tomodensitométrie (CT)*

Technique de dépistage Niveau des indications en faveur du dépistage du cancer colorectal
Réduction de l’incidence Réduction de la mortalité Rapport bénéfice-préjudice
Tests basés sur les selles
Dépistage tous les 2 ans avec test au gaïac sans réhydratation Absence d’effet suggérée Suffisantes Suffisantes
Dépistage tous les ans ou 2 ans avec test au gaïac de haute sensibilité (avec réhydratation) Limitées Suffisantes Suffisantes
Dépistage tous les 2 ans avec TIF Limitées Suffisantes Suffisantes†
Techniques endoscopiques
Dépistage unique avec sigmoïdoscopie Suffisantes Suffisantes Suffisantes
Dépistage unique avec coloscopie Suffisantes Suffisantes Suffisantes‡
Colonographie CT
Dépistage unique avec colonographie CT Limitées§ Limitées§ Insuffisantes

* La constatation d’indications suffisantes ne s’applique qu’aux milieux où l’on présume que le dépistage, de même que le traitement et le suivi, peuvent être fournis avec une grande qualité. TIF désigne le test immunochimique fécal.

† Une variété de tests TIF qualitatifs et quantitatifs sont disponibles, avec une large gamme de sensibilité et de spécificité. La balance nette des bénéfices et des préjudices dépend du seuil de positivité.

‡ Une minorité des membres du Groupe de Travail du Handbook du Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) a estimé que les indications sont limitées en raison de la variabilité des estimations des effets, des risques associés à la coloscopie et des limites inhérentes à l’extrapolation des conclusions tirées des données concernant le dépistage par sigmoïdoscopie.

§ Les indications en faveur d’une réduction de l’incidence ou de la mortalité (une seule évaluation) concernant la colonographie CT ont été considérées comme limitées. Une minorité des membres du Groupe de travail du Handbook du CIRC a estimé que les indications étaient insuffisantes en raison du manque d’essais randomisés ou d’études observationnelles (y compris celles qui font l’objet d’un dépistage par tomodensitométrie) et du manque de données sur les risques.

Quand on ne disposait pas de données d’essais randomisés sur l’effet d’un test spécifique de dépistage sur la mortalité et l’incidence du cancer colorectal, ont été prises en considération les données issues d’un test de dépistage similaire pour lequel une réduction de la mortalité ou de l’incidence du cancer colorectal avait été démontrée (p. ex. le test au gaïac pour le TIF, ou la sigmoïdoscopie pour la coloscopie) ou des études comparant les performances des tests (p. ex. avec la coloscopie pour la colonographie CT). Les indications concernant les nouvelles techniques susmentionnées ne permettaient pas de procéder à une évaluation. Ici, nous résumons brièvement l’évaluation des données scientifiques telles qu’elles ont été examinées par le Groupe de travail du Handbook (tableau 1). Le rapport complet formera le volume 17 des Handbooks du CIRC sur la prévention du cancer. Il convient de noter que la majorité des études examinées ont été menées dans des milieux à revenu moyen ou élevé, où l’incidence du cancer colorectal est généralement élevée ; dans des populations asymptomatiques, à risque moyen (généralement âgées de 50 à 70 ans) ; et dans des conditions dans lesquelles le dépistage du cancer colorectal, y compris le suivi et le traitement ultérieurs, peut être effectué avec une grande qualité. L’extrapolation des conclusions à différents contextes doit tenir compte de ces spécificités et d’autres spécificités liées au contexte (telles que le niveau de développement du système de santé).

  • TESTS BASES SUR LE SANG OCCULTE DANS LES SELLES

    EFFETS BENEFIQUES DES TESTS AU GAIAC

    Nous avons examiné toutes les études qui évaluaient l’effet du dépistage tous les ans ou les 2 ans à l’aide du test fécal au gaïac sur l’incidence du cancer colorectal, la mortalité associée à la maladie, ou les deux. Ces études comprenaient 5 essais randomisés qui ont été réalisés en Amérique du Nord ou en Europe occidentale16,17,18,19,20 et 10 études observationnelles menées dans différentes régions dans un contexte de dépistage21,22,23,24,25,26,27,28,29,30. Dans ces études, les chercheurs ont effectué des tests au gaïac, soit sans réhydratation, soit avec hydratation, ce dernier test ayant une sensibilité plus élevée (tableau 1).

    Sur la base des résultats de deux essais randomisés, de deux grandes études de cohorte comprenant jusqu’à 11 séries de dépistage, et d’une étude cas-témoins16,19,23,24,26, les indications en faveur d’une réduction de la mortalité par cancer colorectal avec un dépistage tous les 2 ans avec le test au gaïac sans réhydratation, tout comme avec le dépistage tous les ans ou les 2 ans avec le test au gaïac de haute sensibilité, ont été considérées comme suffisantes17,20,25. Dans les essais randomisés, le risque relatif de décès par cancer colorectal était significativement plus faible chez les personnes avec un test au gaïac couplé à une coloscopie positifs que chez les témoins (aucun dépistage) ; les risques relatifs étaient de 9 % à 14 % plus faibles avec le test au gaïac sans réhydratation et de 16 % à 32 % plus faibles avec le test au gaïac de haute sensibilité.

    Sur la base de trois essais randomisés et d’une étude de cohorte comprenant 11 séries de tests de dépistage16,18,19,24, les indications du dépistage avec le test au gaïac sans réhydratation réalisé tous les 2 ans suggèrent une absence d’effet sur la réduction de l’incidence du cancer colorectal. De plus, sur la base d’un essai randomisé avec 18 ans de suivi, les indications en faveur d’une telle réduction après dépistage tous les ans ou les 2 ans avec le test au gaïac de haute sensibilité ont été jugé limitées.31

    EFFETS BENEFIQUES DU TIF

    A notre connaissance, aucun essai randomisé de dépistage par TIF avec des données sur l’incidence ou la mortalité n’a été effectué, mais les résultats des études observationnelles dans un contexte de dépistage étaient très cohérents. Trois études de cohorte, dont une étude sur la mortalité basée sur l’incidence, ont montré des risques relatifs de décès par cancer colorectal de 10 % à 40 % plus faibles chez les personnes ayant subi un dépistage par TIF que chez les témoins32,33,34. Une étude écologique réalisée en Italie, qui comparait les régions ayant mis en œuvre précocement (2002-2004) un programme organisé de dépistage par TIF tous les deux ans par rapport à une mise en œuvre tardive (2008-2009) a également montré un risque relatif de décès par cancer colorectal plus faible dans la région où le dépistage a été introduit en premier que dans la région où il a été mis en œuvre plus tard35. Dans l’ensemble, les indications relatives à une réduction de la mortalité du cancer colorectal avec le dépistage par TIF tous les deux ans ont été jugées suffisantes. Cette évaluation tient également compte des indications issues des essais randomisés sur les tests au gaïac, à partir desquelles nous pouvons déduire que le TIF devrait être au moins aussi efficace que les tests au gaïac pour réduire la mortalité due au cancer colorectal, et des indications issues d’essais randomisés montrant que le TIF est plus performant que les tests au gaïac dans la détection de l’adénome avancé et du cancer colorectal.

    Les indications en faveur d’une réduction de l’incidence du cancer colorectal ont été considérées comme limitées. Des réductions légères à modérées de l’incidence cumulée ont été observées dans deux études de cohorte après trois séries de TIF réalisées tous les deux ans33,34 et dans une étude écologique menée en Italie36.

    PREJUDICES POTENTIELS ET RATIOS AVANTAGES-PREJUDICES

    Les préjudices potentiels du dépistage par test de sang occulte dans les selles sont liés aux préjudices psychologiques du dépistage en soi et de l’annonce d’un résultat positif, préjudices qui ont été rapportés comme étant légers et transitoires37,38. De plus, des rappels inutiles et des préjudices médicaux liés au suivi par coloscopie et à la surveillance après un test positif peuvent aussi se produire. Dans les études de modélisation, tous les tests de sang occulte dans les selles procurent un gain en années de vie ajustées en fonction de la qualité de vie, par rapport à l’absence de dépistage, en particulier le TIF et le test au gaïac à haute sensibilité39. Dans l’ensemble, il existe des indications suffisantes selon lesquelles les bénéfices du dépistage du cancer colorectal par l’un des tests basés sur la présence de sang occulte dans les selles l’emportent sur les préjudices.

  • METHODES ENDOSCOPIQUES

    Quatre grands essais randomisés de dépistage par sigmoïdoscopie – trois en Europe et un aux Etats-Unis40,41,42,43 – ont été réalisés. Dans toutes les études qui ont évalué le risque relatif de l’incidence du cancer colorectal, celle-ci était significativement plus faible (18 % à 26 %) chez les personnes qui avaient subi un dépistage par sigmoïdoscopie que chez celles qui ne l’avaient pas réalisé ; le risque relatif de décès par cancer colorectal était également significativement plus faible (22 % à 31 %) dans toutes les études sauf une43. Le suivi prolongé d’un essai jusqu’à 17 ans a montré que le risque relatif restait faible et significatif, avec une réduction de 26 % de l’incidence du cancer colorectal et de 30 % de la mortalité par cancer colorectal dans les analyses d’intention de traiter44. Quatre essais randomisés de dépistage par coloscopie sont actuellement en cours, mais on ne dispose pas encore de données sur l’effet sur l’incidence du cancer colorectal ou sur la mortalité.

    Un grand nombre d’études observationnelles étaient disponibles, mais seules celles effectuées dans un contexte de dépistage (effectuées principalement aux Etats-Unis) ont été considérées pour l’évaluation. Deux études de cohortes45,46 ont fourni des estimations sur l’incidence du cancer colorectal, la mortalité, ou des deux ensemble, associées à la sigmoïdoscopie, et cinq études de cohortes46,47,48,49,50 ont apporté de telles données associées à la coloscopie. De plus, des études cas-témoins, dont plusieurs impliquant plus de 2000 personnes, ont fourni des estimations pour le dépistage par sigmoïdoscopie (neuf études) et par coloscopie (cinq études). Dans la plupart des études de cohorte et des études cas-témoins, les risques relatifs d’incidence et de mortalité étaient significativement plus faibles chez les personnes ayant subi soit une sigmoïdoscopie soit une coloscopie que chez les témoins, même si les risques relatifs variaient grandement d’une étude à l’autre. La méta-analyse la plus récente, réalisée à partir d’études observationnelles, a estimé que la réduction des risques d’incidence et de mortalité était de près de 70 % avec la coloscopie et de près de 50 % avec la sigmoïdoscopie. L’effet était systématiquement plus marqué dans le côlon distal que dans le côlon proximal. 51

    Les indications en faveur d’une réduction de l’incidence du cancer colorectal et de la mortalité par cancer colorectal suite à un seul dépistage par sigmoïdoscopie ou coloscopie ont été jugées suffisantes (tableau 1). En plus de la cohérence des résultats des études observationnelles sur la coloscopie, cette évaluation tient également compte des indications des essais randomisés de dépistage par sigmoïdoscopie, car une coloscopie complète, par définition, inclut une sigmoïdoscopie, et si nous supposons que les taux de faux-négatifs sont similaires pour les deux procédures, la coloscopie est au moins aussi efficace que la sigmoïdoscopie pour détecter les adénomes avancés et le cancer colorectal. Actuellement, les données disponibles pour évaluer les bénéfices de séries de dépistage par endoscopie sont insuffisantes.

    Tout comme les tests basés sur la présence de sang occulte dans les selles, le dépistage endoscopique peut générer des préjudices psychologiques, ainsi que des rappels inutiles après des résultats positifs de sigmoïdoscopie. De plus, l’endoscopie peut provoquer des préjudices médicaux graves, dont les saignements et les perforations sont les plus fréquents, même si ces effets délétères demeurent rares, avec une fréquence de 0,01 % à 0,05 % des interventions de coloscopie52. La proportion de surdiagnostic de cancer à la suite d’un dépistage endoscopique reste incertaine.

    Dans les études de modélisation, le dépistage par sigmoïdoscopie et coloscopie procurent toutes les deux un gain en années de vie ajustées à la qualité de vie, par rapport à l’absence de dépistage53. Dans l’ensemble, il existe des indications suffisantes selon lesquelles les bénéfices d’un seul dépistage par sigmoïdoscopie l’emportent sur les préjudices. Le consensus était qu’il existe des indications suffisantes selon lesquelles les bénéfices d’un seul dépistage par coloscopie l’emportent également sur les préjudices, si le dépistage peut être effectué dans les meilleures conditions. Une minorité des membres du groupe d’experts a jugé que les indications étaient limitées, en raison de la variabilité des effets estimés et donc de l’exactitude limitée, des préjudices associés à la coloscopie, et des limites inhérentes à l’extrapolation des résultats se rapportant à la sigmoïdoscopie pour évaluer la coloscopie.

  • COLONOGRAPHIE CT

    A notre connaissance, aucun essai randomisé publié n’a évalué l’effet du dépistage par colonographie CT sur l’incidence ou la mortalité du cancer colorectal. Un essai randomisé54 et quatre études en tandem55,56,57,58 avec dépistage consécutif ou parallèle de personnes asymptomatiques ont comparé les taux de détection d’adénomes par colonographie CT à ceux par coloscopie, et ont apporté des données pour l’évaluation. Dans les études en tandem (étude comparative dans laquelle la même personne est dépistée séquentiellement avec deux méthodes), les taux de détection de néoplasie avancée (adénome avancé ou cancer) étaient similaires pour les deux techniques ; dans l’essai randomisé, les taux de détection par colonographie CT, par rapport à la coloscopie, étaient similaires pour le cancer colorectal mais étaient plus faibles pour tous les adénomes avancés (5,6 % contre 8,2 %) et pour les adénomes avancés mesurant au moins 10 mm (5,4 % contre 6,3 %) ; cette différence disparaît après ajustement du taux de participation.

    Les préjudices potentiels associés à la colonographie CT comprennent les effets radio-induits, les effets en aval de la détection de résultats extracoloniques59, et les préjudices potentiels d’une coloscopie de suivi. Sur la base de ces données, les indications qu’un seul dépistage par colonographie CT réduit l’incidence du cancer colorectal ou la mortalité par cancer colorectal ont été jugé limitées. Une minorité des membres du groupe d’experts a estimé que les indications étaient insuffisantes, en raison du manque d’essais randomisés ou d’études observationnelles évaluant l’incidence ou la mortalité, l’absence d’études avec dépistage répété par colonographie CT, le fait que seules des données relatives à la performance des tests et aux taux de détection des adénomes étaient disponibles, et de la nécessité d’une large extrapolation depuis les taux de détection connus des lésions jusqu’à la diminution attendue de l’incidence ou de la mortalité du cancer colorectal dans un contexte de dépistage. Enfin, les indications relatives aux bénéfices d’un seul dépistage par colonographie CT par rapport aux préjudices étaient insuffisantes.

  • EFFICACITE COMPARATIVE DES TECHNIQUES DE DEPISTAGE

    On disposait de comparaisons des réductions de l’incidence et de la mortalité du cancer colorectal associées au dépistage avec les tests sur les selles par rapport aux méthodes endoscopiques sous forme de méta-analyses en réseau (comparaisons indirectes des résultats des études de dépistage par une méthode par rapport à l’absence de dépistage). Une méta-analyse de neuf essais randomisés60 a montré que le dépistage par sigmoïdoscopie était plus efficace que les tests au gaïac pour réduire l’incidence du cancer colorectal, mais pas la mortalité. Une autre méta-analyse incluant à la fois des essais randomisés et des études observationnelles dans un contexte de dépistage61 a montré que la coloscopie était plus efficace que la sigmoïdoscopie et les tests au gaïac pour réduire la mortalité par cancer colorectal, bien que la qualité de l’étude soit faible en raison de l’hétérogénéité des modèles d’étude et des biais inhérents à de telles comparaisons. De plus, en comparant la performance d’un seul cycle de dépistage, les techniques endoscopiques, notamment la sigmoïdoscopie, donnaient généralement des taux de détection de néoplasie avancée plus élevés que les tests basés sur la présence de sang occulte dans les selles62,63,64,65 administrés une seule fois. Cependant, des données récentes suggèrent que les taux de détection de cancer avancé obtenus avec le TIF effectué tous les deux ans durant cinq séries consécutives de dépistage étaient semblables à ceux d’une coloscopie66.. Prises dans leur ensemble, les données disponibles ont été jugées insuffisantes pour évaluer l’efficacité comparée des techniques de dépistage disponibles.

    En conclusion, on dispose d’ indications suffisantes que le dépistage du cancer colorectal par les tests actuellement disponibles, basés sur les selles (tests au gaïac et TIF) ou par endoscopie inférieure (sigmoïdoscopie et coloscopie), réduit le risque de mortalité par cancer colorectal et que les bénéfices l’emportent sur les préjudices pour chaque type de dépistage. Les données issues d’études de l’efficacité comparée d’un test par rapport à un autre étaient pas concluantes.

    Avec le soutien de l’American Cancer Society et des Centers for Disease Control and Prevention.

    Les formulaires de déclaration fournis par les auteurs sont disponibles avec le texte intégral de cet article à NEJM.org.

    Du Centre international de Recherche sur le Cancer, Lyon, France (B.L.-S., N.V., N.G., N.G., K.S.) ; et du Centre allemand de Recherche sur le Cancer, Heidelberg (F.B.). Adressez vos demandes de réimpression à

    Dr Lauby-Secretan au Centre international de Recherche sur le Cancer, Groupe des IARC Handbooks (ESC/IHB), 150 Cours Albert Thomas, 69372 Lyon CEDEX 08, France, ou à secretanb@iarc.fr.

    Cet article a été publié le 26 mars 2018 sur NEJM.org.

  • Références

    1. International Agency for Research on Cancer. GLOBOCAN 2012: estimated cancer incidence, mortality, and prevalence worldwide in 2012. Lyon, France: IARC, 2013 (http://globocan.iarc.fr).

    2. Arnold M, Sierra MS, Laversanne M, Soerjomataram I, Jemal A, Bray F. Global patterns and trends in colorectal cancer incidence and mortality. Gut 2017; 66: 683-91.

    3. Allemani C, Weir HK, Carreira H, et al. Global surveillance of cancer survival 1995-2009: analysis of individual data for 25,676,887 patients from 279 population-based registries in 67 countries (CONCORD-2). Lancet 2015; 385: 977-1010.

    4. Bouvard V, Loomis D, Guyton KZ, et al. Carcinogenicity of consumption of red and processed meat. Lancet Oncol 2015; 16: 1599-600.

    5. IARC Working Group on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans. Personal habits and indoor combustions — volume 100 E: a review of human carcinogens. IARC Monogr Eval Carcinog Risks Hum 2012; 100(Pt E): 1-538.

    6. Lauby-Secretan B, Scoccianti C, Loomis D, Grosse Y, Bianchini F, Straif K. Body fatness and cancer — viewpoint of the IARC Working Group. N Engl J Med 2016; 375: 794-8.

    7. International Agency for Research on Cancer. Weight control and physical activity. Lyon, France, IARC, 2002.

    8. World Cancer Research Fund, American Institute for Cancer Research. Diet, nutrition, physical activity and colorectal cancer: Continuous Update Project 2017 (http://wcrf .org/ colorectal-cancer -2017).

    9. Cottet V, Jooste V, Fournel I, Bouvier AM, Faivre J, Bonithon- Kopp C. Long-term risk of colorectal cancer after adenoma removal: a population-based cohort study. Gut 2012; 61: 1180-6.

    10. Schreuders EH, Ruco A, Rabeneck L, et al. Colorectal cancer screening: a global overview of existing programmes. Gut 2015; 64: 1637-49.

    11. Carrozzi G, Sampaolo L, Bolognesi L, et al. Economic difficulties keep on influencing early diagnosis of colorectal cancer. Epidemiol Prev 2015; 39: 210. (In Italian.)

    12. Honein-AbouHaidar GN, Kastner M, Vuong V, et al. Systematic review and meta-study synthesis of qualitative studies evaluating facilitators and barriers to participation in colorectal cancer screening. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2016; 25: 907-17.

    13. Lee JK, Liles EG, Bent S, Levin TR, Corley DA. Accuracy of fecal immunochemical tests for colorectal cancer: systematic review and meta-analysis. Ann Intern Med 2014; 160: 171.

    14. Bray C, Bell LN, Liang H, Collins D, Yale SH. Colorectal cancer screening. WMJ 2017; 116: 27-33.

    15. Coin CG, Wollett FC, Coin JT, Rowland M, DeRamos RK, Dandrea R. Computerized radiology of the colon: a potential screening technique. Comput Radiol 1983; 7: 215-21.

    16. Kronborg O, Jørgensen OD, Fenger C, Rasmussen M. Randomized study of biennial screening with a faecal occult blood test: results after nine screening rounds. Scand J Gastroenterol 2004; 39: 846-51.

    17. Lindholm E, Brevinge H, Haglind E. Survival benefit in a randomized clinical trial of faecal occult blood screening for colorectal cancer. Br J Surg 2008; 95: 1029-36.

    18. Pitkäniemi J, Seppä K, Hakama M, et al. Effectiveness of screening for colorectal cancer with a faecal occult-blood test, in Finland. BMJ Open Gastroenterol 2015; 2(1): e000034.

    19. Scholefield JH, Moss SM, Mangham CM, Whynes DK, Hardcastle JD. Nottingham trial of faecal occult blood testing for colorectal cancer: a 20-year follow-up. Gut 2012; 61: 1036-40.

    20. Shaukat A, Mongin SJ, Geisser MS, et al. Long-term mortality after screening for colorectal cancer. N Engl J Med 2013; 369: 1106-14.

    21. Bertario L, Russo A, Crosignani P, et al. Reducing colorectal cancer mortality by repeated faecal occult blood test: a nested case-control study. Eur J Cancer 1999; 35: 973-7.

    22. Bjerrum A, Andersen O, Fischer A, Lindebjerg J, Lynge E. Colorectal cancer mortality 10 years after a single round of guaiac faecal occult blood test (gFOBT) screening: experiences from a Danish screening cohort. BMJ Open Gastroenterol 2016; 3(1): e000120.

    23. Faivre J, Tazi MA, El Mrini T, Lejeune C, Benhamiche AM, Dassonville F. Faecal occult blood screening and reduction of colorectal cancer mortality: a case-control study. Br J Cancer 1999; 79: 680-3.

    24. Hamza S, Cottet V, Touillon N, et al. Long-term effect of faecal occult blood screening on incidence and mortality from colorectal cancer. Dig Liver Dis 2014; 46: 1121-5.

    25. Lazovich D, Weiss NS, Stevens NG, White E, McKnight B, Wagner EH. A case-control study to evaluate efficacy of screening for faecal occult blood. J Med Screen 1995; 2: 84-9.

    26. Libby G, Brewster DH, McClements PL, et al. The impact of population-based faecal occult blood test screening on colorectal cancer mortality: a matched cohort study. Br J Cancer 2012; 107: 255-9.

    27. Malila N, Hakama M, Pukkala E. A 25-year follow-up of a population screened with faecal occult blood test in Finland. Acta Oncol 2007; 46: 1103-6.

    28. Scheitel SM, Ahlquist DA, Wollan PC, Hagen PT, Silverstein MD. Colorectal cancer screening: a community case-control study of proctosigmoidoscopy, barium enema radiography, and fecal occult blood test efficacy. Mayo Clin Proc 1999; 74: 1207-13.

    29. Selby JV, Friedman GD, Quesenberry CP Jr, Weiss NS. Effect of fecal occult blood testing on mortality from colorectal cancer: a case-control study. Ann Intern Med 1993; 118: 1-6.

    30. Zappa M, Castiglione G, Grazzini G, et al. Effect of faecal occult blood testing on colorectal mortality: results of a population- based case-control study in the district of Florence, Italy. Int J Cancer 1997; 73: 208-10.

    31. Mandel JS, Church TR, Bond JH, et al. The effect of fecal occult-blood screening on the incidence of colorectal cancer. N Engl J Med 2000; 343: 1603-7.

    32. Chiu HM, Chen SL, Yen AM, et al. Effectiveness of fecal immunochemical testing in reducing colorectal cancer mortality from the One Million Taiwanese Screening Program. Cancer 2015; 121: 3221-9.

    33. Giorgi Rossi P, Vicentini M, Sacchettini C, et al. Impact of screening program on incidence of colorectal cancer: a cohort study in Italy. Am J Gastroenterol 2015; 110: 1359-66.

    34. Ventura L, Mantellini P, Grazzini G, et al. The impact of immunochemical faecal occult blood testing on colorectal cancer incidence. Dig Liver Dis 2014; 46: 82-6.

    35. Zorzi M, Fedeli U, Schievano E, et al. Impact on colorectacancer mortality of screening programmes based on the faecal immunochemical test. Gut 2015; 64: 784-90.

    36. Costantini AS, Martini A, Puliti D, et al. Colorectal cancer mortality in two areas of Tuscany with different screening exposures. J Natl Cancer Inst 2008; 100: 1818-21.

    37. Laing SS, Bogart A, Chubak J, Fuller S, Green BB. Psychological distress after a positive fecal occult blood test result among members of an integrated healthcare delivery system. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2014; 23: 154-9.

    38. Parker MA, Robinson MH, Scholefield JH, Hardcastle JD. Psychiatric morbidity and screening for colorectal cancer. J Med Screen 2002; 9: 7-10.

    39. Patel SS, Kilgore ML. Cost effectiveness of colorectal cancer screening strategies. Cancer Control 2015; 22: 248-58.

    40. Schoen RE, Pinsky PF, Weissfeld JL, et al. Colorectal cancers not detected by screening flexible sigmoidoscopy in the Prostate, Lung, Colorectal, and Ovarian Cancer Screening Trial. Gastrointest Endosc 2012; 75: 612-20.

    41. Atkin WS, Edwards R, Kralj-Hans I, et al. Once-only flexible sigmoidoscopy screening in prevention of colorectal cancer: a multicenter randomised controlled trial. Lancet 2010; 375: 1624- 33.

    42. Holme Ø, Løberg M, Kalager M, et al. Effect of flexible sigmoidoscopy screening on colorectal cancer incidence and mortality: a randomized clinical trial. JAMA 2014; 312: 606-15.

    43. Segnan N, Senore C, Andreoni B, et al. Baseline findings of the Italian multicenter randomized controlled trial of “onceonly sigmoidoscopy” — SCORE. J Natl Cancer Inst 2002; 94: 1763-72.

    44. Atkin W, Wooldrage K, Parkin DM, et al. Long term effects of once-only flexible sigmoidoscopy screening after 17 years of follow-up: the UK Flexible Sigmoidoscopy Screening randomized controlled trial. Lancet 2017; 389: 1299-311.

    45. Blom J, Yin L, Lidén A, et al. A 9-year follow-up study of participants and nonparticipants in sigmoidoscopy screening: importance of self selection. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2008; 17: 1163-8.

    46. Nishihara R, Wu K, Lochhead P, et al. Long-term colorectalcancer incidence and mortality after lower endoscopy. N Engl J Med 2013; 369: 1095-105.

    47. Kahi CJ, Imperiale TF, Juliar BE, Rex DK. Effect of screening colonoscopy on colorectal cancer incidence and mortality. Clin Gastroenterol Hepatol 2009; 7: 770-5.

    48. Manser CN, Bachmann LM, Brunner J, Hunold F, Bauerfeind P, Marbet UA. Colonoscopy screening markedly reduces the occurrence of colon carcinomas and carcinoma-related death: a closed cohort study. Gastrointest Endosc 2012; 76: 110-7.

    49. Eldridge RC, Doubeni CA, Fletcher RH, et al. Uncontrolled confounding in studies of screening effectiveness: an example of colonoscopy. J Med Screen 2013; 20: 198-207.

    50. García-Albéniz X, Hsu J, Bretthauer M, Hernán MA. Effectiveness of screening colonoscopy to prevent colorectal cancer among Medicare beneficiaries aged 70 to 79 years: a prospective observational study. Ann Intern Med 2017; 166: 18-26.

    51. Brenner H, Stock C, Hoffmeister M. Effect of screening sigmoidoscopy and screening colonoscopy on colorectal cancer incidence and mortality: systematic review and meta-analysis of randomised controlled trials and observational studies. BMJ 2014; 348: g2467.

    52. Lin JS, Piper MA, Perdue LA, et al. Screening for colorectal cancer: updated evidence report and systematic review for the US Preventive Services Task Force. JAMA 2016;315:2576-2594.

    53. Knudsen AB, Zauber AG, Rutter CM, et al. Estimation of benefits, burden, and harms of colorectal cancer screening strategies: modeling study for the US Preventive Services Task Force. JAMA 2016;315:2595-2609.

    54. Stoop EM, de Haan MC, de Wijkerslooth TR, et al. Participation and yield of colonoscopy versus non-cathartic CT colonography in population-based screening for colorectal cancer: a randomized controlled trial. Lancet Oncol 2012; 13: 55-64.

    55. Pickhardt PJ, Choi JR, Hwang I, et al. Computed tomographic virtual colonoscopy to screen for colorectal neoplasia in asymptomatic adults. N Engl J Med 2003; 349: 2191-200.

    56. Kim DH, Pickhardt PJ, Taylor AJ, et al. CT colonography versus colonoscopy for the detection of advanced neoplasia. N Engl J Med 2007; 357: 1403-12.

    57. Johnson CD, Chen M-H, Toledano AY, et al. Accuracy of CT colonography for detection of large adenomas and cancers. N Engl J Med 2008; 359: 1207-17.

    58. Graser A, Stieber P, Nagel D, et al. Comparison of CT colonography, colonoscopy, sigmoidoscopy and faecal occult blood tests for the detection of advanced adenoma in an average risk population. Gut 2009; 58: 241-8.

    59. Iafrate F, Iussich G, Correale L, et al. Adverse events of computed tomography colonography: an Italian National Survey. Dig Liver Dis 2013; 45: 645-50.

    60. Emilsson L, Holme Ø, Bretthauer M, et al. Systematic review with meta-analysis: the comparative effectiveness of aspirin vs. screening for colorectal cancer prevention. Aliment Pharmacol Ther 2017; 45: 193-204.

    61. Elmunzer BJ, Singal AG, Sussman JB, et al. Comparing the effectiveness of competing tests for reducing colorectal cancer mortality: a network meta-analysis. Gastrointest Endosc 2015; 81(3): 700-709.e3.

    62. Hassan C, Giorgi Rossi P, Camilloni L, et al. Meta-analysis: adherence to colorectal cancer screening and the detection rate for advanced neoplasia, according to the type of screening test. Aliment Pharmacol Ther 2012; 36: 929-40.

    63. Littlejohn C, Hilton S, Macfarlane GJ, Phull P. Systematic review and meta-analysis of the evidence for flexible sigmoidoscopy as a screening method for the prevention of colorectal cancer. Br J Surg 2012; 99: 1488-500.

    64. Castells A, Quintero E, Álvarez C, et al. Rate of detection of advanced neoplasms in proximal colon by simulated sigmoidoscopy vs fecal immunochemical tests. Clin Gastroenterol Hepatol 2014; 12(10): 1708-16.e4.

    65. Sali L, Mascalchi M, Falchini M, et al. Reduced and fullpreparation CT colonography, fecal immunochemical test, and colonoscopy for population screening of colorectal cancer: a randomized trial. J Natl Cancer Inst 2015; 108: 108.

    66. Zorzi M, Hassan C, Capodaglio G, et al. Long-term performance of colorectal cancer screening programmes based on the faecal immunochemical test. Gut 2017 November 3 (Epub ahead of print).

    Auteurs :

    Béatrice Lauby‑Secretan, Ph.D., Nadia Vilahur, Ph.D., Franca Bianchini, Ph.D., Neela Guha, Ph.D., M.P.H., et Kurt Straif, M.P.H., M.D., Ph.D., pour le Groupe de Travail du Handbook du Centre International de Recherche sur le Cancer.

    DOI: 10.1056/NEJMsr1714643

    Traduction du The New England Journal of Medicine http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMsr1714643

    Copyright © 2018 Massachusetts Medical Society. All rights reserved.

Auteur : Département Prévention Cancer Environnement, Centre Léon Bérard

Relecture : Section des Handbooks Prévention des cancers, CIRC

Mise à jour le 07 juil. 2022

Une question, un avis ?

Ce formulaire vous permet de contacter le Département Prévention Cancer Environnement. Nous veillerons à vous répondre dans les meilleurs délais.

Contactez-nous !

Ce contenu vous a été utile ?